La mode en Chine : vers un luxe made in China ?

Daxue Conseil- Mode en ChineLa Chine n’a pas échappé à la déferlante consumériste de la fin du XXe et du début du XXIe siècle. Les grandes enseignes de prêt-à-porter internationales n’ont pas manqué d’investir sur ce marché colossal, où les Chinois consacrent entre 6 % et 7 % de leur salaire à l’achat de vêtements chaque mois. Les géants européens et américains du prêt-à-porter se sont implantés rapidement sur le marché chinois, et la plupart y ont rencontré un franc succès. Les enseignes H&M et Zara annonçaient d’ailleurs au début de l’année 2016 vouloir ouvrir en Chine une centaine de boutiques chacune (1). Mais certains géants de la mode ont aussi échoué en Chine : à titre d’exemple, la marque britannique de mode en ligne Asos décidait de se retirer du marché en avril 2016, sans avoir réussi à se faire une place auprès des consommateurs chinois. Cependant, la position occidentale dans la mode, et en particulier dans le luxe, n’est pas encore totalement ébranlée en Chine, mais l’émergence de créateurs chinois ainsi que les changements de comportement d’achat des consommateurs risquent de modifier cette suprématie.

 

Un pays qui s’émancipe progressivement de l’influence de la mode occidentale

Depuis l’ouverture de la Chine à l’économie de marché, les tendances de mode en Chine ont été fortement influencées par les standards de la mode occidentale. Les grands magazines de mode occidentale sont présents depuis plusieurs années en Chine. Le magazine Elle fêtait en septembre dernier le 28e anniversaire de sa rédaction chinoise. Quant au magazine américain Vogue, établi en Chine depuis 2005, il tire désormais chacun de ses numéros à 650 000 exemplaires.

Cette diffusion par voie de presse d’une mode internationalisée, a permis aux marques de luxe de séduire les consommateurs chinois les plus aisés. Depuis, l’attrait de ces derniers pour les produits de luxe ne cesse de se confirmer. Une étude du Fortune Character Institute avance le chiffre édifiant selon lequel 46 % des biens de luxe vendu sur l’année 2015 dans le monde entier ont été acheté par des Chinois, cette somme représentant 106,4 milliards d’euros. Les consommateurs chinois sont toujours prêts à payer 20 % de plus pour acheter des marques internationales. Cependant, parmi les marques de mode préférées des Chinois, on compte de plus en plus de marques asiatiques et chinoises, au détriment des grandes marques occidentales, qui doivent redoubler d’efforts pour comprendre leur clientèle chinoise et s’adapter à l’évolution de leur demande. Le besoin de se différencier et de s’affirmer en tant qu’individu tend à remplacer le besoin d’appartenance et l’addiction aux logos des marques occidentales. Le rôle qu’exercent les consommateurs chinois sur le marché du luxe va sans doute venir déplacer le centre de gravité de la mode internationale vers l’Asie.

 

L’émergence d’une mode chinoise

Si cette tendance se confirme, il s’agira d’une évolution importante dans le secteur de la mode internationale. Le rôle de la Chine sur le marché de la mode et du luxe est peu à peu en train de muter. D’un pays uniquement consommateur de produits d’un luxe globalisé, véhiculés par la presse spécialisée et les réseaux sociaux, la Chine dispose dorénavant du poids nécessaire pour influencer les tendances de la mode internationale. Le fort pouvoir d’achat d’une partie des consommateurs chinois pousse les grandes marques du luxe à satisfaire leurs attentes.

Mais ce ne sont pas que les grands groupes du luxe qui s’adaptent à la demande chinoise. En effet, on constate depuis quelques années le développement d’un luxe made in China.

Sous l’égide de la très populaire et cosmopolite Hung Huang, parfois présentée comme la « Oprah Winfrey Chinoise », et éditrice du magazine de mode iLook, les créateurs de mode chinois trouvent peu à peu une visibilité en dehors de leur atelier. Brand New China, un concept-store placé au cœur du quartier branché de Salitun à Pékin, regroupe quelques un des stylistes chinois les plus prometteurs, tel que Wang Yiyang créateur de la marque ZucZug, ou Momo Wang pour la marque Museum of Friendship.

La création depuis bientôt vingt ans de la fashionweek de Shanghai est également un moyen pour la Chine de faire découvrir ses jeunes créateurs au monde de la mode.

D’une « Chine trop occupée à copier, pour créer » (5) selon les mots de Hung Huang, le pays est progressivement en train de s’impliquer dans la création. Pour le moment, il est trop tôt pour faire de la Chine un acteur majeur de la création, sa position reste bien en retrait des géants occidentaux. Mais comme dans beaucoup de domaines à forte valeur ajoutée, on pressent que la Chine aura dans les prochaines années un rôle majeur à jouer dans la création de mode.